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Bassin du Congo : FRM mise sur l’acacia pour développer les plantations sur le plateau de Mbé

Nous relayons ci-dessous un article paru dans le média Makanisi le 16 avril 2023 sur l’un des projets de plantation porté par FRM en Afrique centrale.

(c) FRM

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La Société Plantations Forestières Batéké Brazzaville (SPF2B) s’étend sur 10 000 hectares dans le nord du département du Pool, à cheval sur les districts d’Ignié et de Ngabé. Le domaine, qui compte 5 blocs de plantation et une pépinière, est situé dans une zone de savanes herbeuses et arbustives, très faiblement cultivée. Le projet a une double vocation : économique et écologique. La première vise la production de bois d’œuvre, de charbon de bois, d’huile de palme et de manioc ; la seconde l’impact carbone et l‘amélioration de la biodiversité. L’agroforesterie est pratiquée dans certains blocs, pour permettre aux populations de cultiver du manioc. Une pépinière fournit les semences et les plants nécessaires aux activités de la SPF2B et des autres filiales du groupe Forêt Ressources Management (FRM).

Paul Bertaux (Directeur Technique / Environnement, Social et Gouvernance) s’est confié à Makanisi sur les objectifs et les enjeux de ce projet, qui est un des 5 programmes de plantation FRM en Afrique Centrale.

Propos recueillis à Brazzaville par Muriel Devey Malu-Malu

Makanisi : Pouvez-vous présenter la zone dans laquelle est implantée la SPF2B ?

Paul Bertaux : La SPF2B est installée sur le plateau de Mbé, qui est le premier des quatre plateaux Batékés, qui forment une sorte d’immense château de sable, plat au milieu et entouré de zones vallonnées et de rivières. À partir de la rivière Léfini s’étale le plateau de Nsah et, plus à l’ouest, les plateaux de Koukouya et de Djambala qui sont plus petits. Le reste de la zone est occupé par des collines et des cours d’eau. Cette vaste région très homogène, qui s’est constituée, il y a 20 à 50 millions d’années, par dépôt de sables éoliens du Kalahari sur plus de 300 m d’épaisseur, s’étend sur 120 000 km2, soit le 1/5 de la France, et couvre quatre pays : le Gabon, les deux Congo et l’Angola.

Il y a 3 000 ans, c’était une zone de forêt claire, occupée par les peuples autochtones qui vivaient de chasse et de cueillette. Plusieurs migrations bantoues s’y sont succédé par la suite, jusqu’au 15ème siècle. Peuples d’agriculteurs et d’éleveurs, les Bantous ont préféré s’installer dans les forêts claires des plateaux Batéké qu’ils ont défrichées, plutôt que de s’établir dans les infranchissables forêts denses du Nord. L’époque de leur migration a correspondu à un assèchement du climat qui avait fragilisé les forêts existantes. La savane des plateaux Batéké, jadis plus peuplés qu’aujourd’hui, est essentiellement « anthropisée », c’est-à-dire maintenue artificiellement par les activités humaines dont la déforestation, qui reste très pratiquée, l’agriculture itinérante sur brûlis avec jachère et la pratique généralisée du feu pour la chasse.

 

Quels sont les objectifs de la SPF2B ?

Nous avons deux objectifs, l’un économique et l’autre écologique, qui sont liés. Ce sont d’ailleurs des arguments pour développer ce type de projet. Les plantations permettent de produire du bois d’œuvre (sciages et déroulages) et du charbon de bois dont la vente procure des revenus qui financent le projet. C’est le volet économique.

La plantation forestière a, par ailleurs, un impact positif sur l’environnement, par la biodiversité qu’elle apporte et la fixation de carbone qu’elle permet. En outre, le charbon de bois provenant de plantations gérées durablement, se substituera progressivement au charbon de la déforestation, qui détruit les forêts naturelles autour de Brazzaville. Cet impact carbone positif s’ajoutera à celui de la plantation elle-même. C’est la dimension écologique du projet.  Ce type de projet permet aussi de générer des crédits-carbone qui sont vendus sur le marché volontaire ou qui compensent les émissions de CO2 de nos partenaires industriels et financiers.

 

Comment et avec quelles essences peut-on reconstituer une forêt en zone de savane ?

Après une période de sécheresse relative, le climat est redevenu humide, avec une pluviométrie comprise entre 1400 et 1800 millimètres. Or à partir de 1000 mm de pluie, la forêt est l’écosystème qui devrait naturellement se réinstaller sous ces latitudes. Cependant, la pratique de l’agriculture itinérante et du feu pour la chasse maintient une savane herbacée très pauvre et très peu biodiversifiée. Le modèle agroforestier développé en Afrique centrale permet de réintroduire un écosystème forestier, tout en développant une agriculture plus durable et performante et en produisant du charbon de bois durable. On afforeste avec des essences exotiques, dont l’acacia, les essences locales n’étant pas en mesure de produire de fortes quantités de bois.

 

Pourquoi l’acacia ?

L’acacia a la capacité de pousser en pleine lumière, ce qui convient bien à la savane, et de croître rapidement sur des sols sableux tout en les enrichissant en matière organique et en azote. Il fait partie de la famille des légumineuses qui fixe naturellement l’azote atmosphérique par ses racines. La production de bois d’œuvre ou de charbon de bois, envisageable suivant les modèles sylvicoles et les espèces d’acacia plantées, répond à notre volet économique. L’objectif écologique est assuré car, à terme, la biodiversité des plantations d’acacia devient largement supérieure à celle des savanes herbacées. Les plantations permettent, en effet, l’installation d’un sous-bois de type forestier, la fixation d’une grande quantité de carbone et offrent un refuge à la macrofaune. Nos plantations qui se font sur des terres non boisées (savanes herbeuses à arbustives), très faiblement cultivées, ne causent donc pas de déforestation.

 

Le même type d’acacia sert-il à fabriquer du bois d’œuvre et du charbon de bois ?

Il y a deux types d’acacia aux sylvicultures et aux finalités différentes. L’acacia auriculiformis est un arbre petit, dépassant rarement 15 mètres de hauteur. Il est adapté pour la production de charbon de bois qui est très apprécié des ménagères et l’agroforesterie. Il permet la cohabitation avec le manioc pendant douze à dix-huit mois. L’acacia mangium est utilisé pour le bois d’œuvre. Il peut atteindre 30 mètres de hauteur et jusqu’à 50 cm de diamètre. On le laisse pousser plus longtemps pour que son bois puisse produire du sciage, du déroulage et des contreplaqués.

 

Combien de temps faut-il pour voir réapparaître les essences forestières locales ?

Après une dizaine d’années, des essences forestières locales vont se réinstaller naturellement parmi les acacias. À partir de la vingtième année, la plantation sera « irrégularisée » par des éclaircies (coupes partielles) pour faire des ouvertures et faciliter la régénération des espèces locales, soit naturellement, soit assistée par plantation. Le processus aboutira à une forêt mélangée, d’âges multiples, plus riche en biodiversité que la savane. Des études scientifiques prouvent en effet que la biodiversité est supérieure sous plantation qu’en savane. Chaque année des étudiants du Congo (8 en 2023), de France, de Belgique et de RDC font des stages chez nous pour étudier la végétation en sous-bois et les forêts naturelles incluses dans nos domaines que nous protégeons. Nous avons également établi plusieurs partenariats avec différentes universités congolaises, françaises et belges. À terme, ces diverses recherches feront l’objet de publications scientifiques.

 

Les espèces qui vont réapparaître proviennent-elles de la forêt qui existait initialement ?

Oui. Environ 15% de nos domaines sont occupés par des ilots forestiers naturels. Un étudiant de l’École Régionale Post-universitaire d’Aménagement et de Gestion Intégrée des Forêts et Territoires Tropicaux (ERAIFT) établie à Kinshasa, installe actuellement un réseau de placettes d’un hectare dans les différentes formations forestières de nos programmes de plantation, pour suivre l’évolution naturelle des ilots forestiers. Nous adoptons la même approche sur le site de SPF2B pour suivre l’évolution de la flore sous plantation. On installera également un système d’observation de la faune pour quantifier avec précision les espèces fauniques qui trouvent refuge dans nos plantations et alentours où l’on a déjà pu observer un début de repeuplement en mammifères (plusieurs espèces d’antilope).

 

Dans l’industrie, quelles sont les filières particulièrement intéressées par le bois ?

Le bois est un matériau neutre en carbone qui intéresse plusieurs industries pour décarboniser leurs activités. Outre les filières traditionnelles du bois d’œuvre, de nouvelles filières dont celles de la construction et de la chimie organique, s’intéressent à cette matière première. Aujourd’hui, les nouvelles technologies de transformation du bois permettent de fabriquer du bois de structure pour construire des immeubles et des tours pouvant atteindre 100 m de hauteur. C’est le cas en Amérique du nord et en Europe.

Le secteur de la construction est ainsi en train de passer de l’ère des matériaux traditionnels, comme le béton, le verre, l’acier ou la brique, dont l’impact carbone est très élevé, à l’ère du matériau bois, plus neutre en carbone. C’est un retour aux sources car le bois a été historiquement le principal matériau de construction. Les nouvelles technologies et la décarbonation nécessaire de nos industries le repositionnent au premier plan. Le bois est, en outre, un isolant, plus facile à traiter et plus léger à transporter et à assembler.

Le bois intéresse également la filière chimie organique, pour passer du pétrole à la biomasse et remplacer tous les objets en plastique et autres dérivés du pétrole

Pour ne pas exclure l’agriculture de nos projets orientés marché du bois et du carbone, nous avons opté pour des plantations agroforestières qui permettent à la fois de faire du bois d’œuvre et des cultures vivrières.

 

Comment et auprès de qui avez-vous acquis les terres qu’occupe votre domaine ?

Sur le plan foncier, il y a deux acteurs : les terriens et les paysans. Les terriens ont les droits sur les terres qu’ils louent aux paysans pour leurs cultures. La transaction de SPF2B avec les chefs de terre a duré une dizaine d’années avant d’aboutir à un accord foncier. Nous sommes donc aujourd’hui propriétaires de nos terres. D’autres procédures existent, notamment les baux emphytéotiques avec l’État, qui font suite à une transaction avec les terriens sur leurs droits d’usage.

Très éloigné de la route nationale, au bord de laquelle sont concentrés les villages, notre domaine occupe un espace peu habité. Il n’y a donc aucun problème avec les populations riveraines de nos domaines qui poursuivent leurs activités agricoles dans les vastes espaces des savanes Batékés.

 

Quelles alternatives économiques proposez-vous aux populations ?

Nous leur offrons tout d’abord des emplois dans nos plantations. Notre politique d’emplois favorise l’embauche locale. Pépinière et plantations comprises, la SPF2B emploie en haute saison entre 300 et 400 personnes vivant dans la zone. Elle ne recourt à des personnels extérieurs que pour des emplois faisant appel à des compétences qui n’existent pas localement.

Par ailleurs, dans le cadre du volet agroforestier, les populations ont accès gratuitement à des terres que nous préparons et labourons gratuitement, où elles peuvent planter du manioc dont la récolte leur appartient. La surface octroyée va de 0,5 hectare à 5 ha par paysan, il leur est simplement demandé d’entretenir les arbres en même temps que leur manioc durant la 1° année.

 

Outre les plantations forestières d’acacia, vous visez le palmier à huile…

Nous développons en ce moment la filière palmier à huile. Tout près de notre domaine, dans le district d’Ignié, se trouve la palmeraie de GTC-Capfor, qui produit de l’huile de palme. Ensemble, nous avons proposé aux bailleurs de fonds de créer un bassin de production de palmier à huile, qui s’appuierait sur nos plantations industrielles et un réseau de petites palmeraies villageoises. L’approvisionnement en matériel végétal amélioré est assuré par notre pépinière qui a obtenu l’agrément de PalmElite, filiale du CIRAD, pour revendre les semences améliorées de palmier à huile. Mais les bailleurs de fonds préférant travailler avec les institutionnels, ce projet n’a pas encore abouti. Néanmoins nous continuons à le proposer et nous allons le mettre progressivement en œuvre.

 

Et également le miel et d’autres produits…

Les abeilles, qui avaient déserté la zone, s’installent progressivement dans les plantations d’acacia où de nombreux essaims sont observés. Nous avons constaté cela aussi dans les plantations en RDC. L’ONG française, APIFLORDEV, très active en Afrique Centrale, va nous assister sur le plan technique. Une étude de faisabilité sur la filière miel a été lancée. Le miel d’acacia est très recherché sur le marché local et régional. De nombreux pays européens, dont la France, importent massivement du miel. D’autres produits sont envisagés dont les huiles essentielles. Nous venons de planter un pilote avec l’eucalyptus citriodora.

Notre stratégie est donc clairement orientée vers la diversification de nos produits/marchés, tout en maximisant les impacts positifs et les bénéfices sociaux et environnementaux de nos programmes de plantation.

 

Retrouvez l’article original sur le site de Makanisi

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