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Diminuer la pression actuelle sur les forêts naturelles restantes en créant de nouvelles sources de production de bois

07.05.2021

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, l’écologue Plinio Sist, directeur de l’unité de recherche Forêts & Sociétés du CIRAD, souligne la nécessité de prendre en compte la dimension humaine et sociale dans les projets de reforestation et de préservation des forêts tropicales. L’ATIBT relaie ici l'essentiel de cette tribune.

Les forêts tropicales disparaissent à un rythme alarmant depuis plus de trente ans. Une récente étude publiée dans Science Advances estime que 220 millions d’hectares de forêts humides ont été perdus ces trente dernières années. Si l’on considère les forêts tropicales dans leur ensemble, ce chiffre, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), grimpe à plus de 400 millions d’hectares.

Converties en terres agricoles, en pâturages ou en plantations industrielles, les forêts tropicales, au cours de ces trente dernières années, ont disparu à un rythme moyen d’environ 13 millions d’hectares par an. La dégradation forestière constitue une autre menace tout aussi importante que la déforestation.

En effet, ce phénomène touche dans certaines régions comme l’Amazonie des surfaces similaires voire plus importantes que la déforestation. De plus, les forêts dégradées se montrent moins résilientes face aux changements climatiques et plus vulnérables aux incendies qui s’intensifient au cours des saisons sèches de plus en plus longues.

Des conditions essentielles

Les conséquences de la déforestation et de la dégradation forestière sont parfaitement connues et régulièrement publiées par les scientifiques, notamment dans les rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) : émissions de CO2 (12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre), perte de la biodiversité terrestre dont 80 % est abritée dans les forêts, notamment tropicales, enfin, dérèglement climatique local. Les conséquences sont aussi sociales et économiques puisque, par exemple, les 2 milliards d’hectares de terres dégradées issues de la déforestation dans le monde compromettent le bien-être de plus de 3 milliards de personnes.

Face à ces pertes, la restauration apparaît comme une des solutions visant à reconstituer une partie du couvert forestier perdu au cours des précédentes décennies. Ainsi, depuis 2011, dans le cadre du Bonn Challenge, les engagements de nombreux pays à entreprendre des programmes ambitieux de restauration se sont multipliés, mais, sur le terrain, ils tardent encore à se concrétiser. Les Nations unies lanceront officiellement, le 5 juin, la décennie de la restauration des écosystèmes.

Ces programmes ambitieux de restauration des territoires incluant la restauration forestière peuvent aussi et surtout fournir une solution efficace de lutte contre la déforestation et la dégradation forestière, à condition qu’ils soient conçus et mis en œuvre en respectant certaines conditions essentielles.

La première est de prendre en compte les besoins, les perceptions et les savoirs des populations locales. Sans amélioration de leurs conditions de vie, sans alternatives à la déforestation et à la dégradation forestière, ces populations continueront sur la voie actuelle. Trop souvent, les programmes de restauration se limitent à des objectifs exclusivement environnementaux, comme la reconstitution du couvert forestier, le stockage de carbone ou la restauration de la biodiversité.

Allégorie d’une nature « pure »

Ils en oublient le facteur essentiel de la restauration et de la lutte contre la déforestation et la dégradation forestière : la composante humaine.

La seconde est de tenir compte, bien sûr, des conditions environnementales et de dégradation des écosystèmes forestiers au sein d’une région ou d’un territoire.

Dans certains cas, il est en effet préférable de simplement préserver les forêts existantes et laisser faire la régénération naturelle plutôt que d’entreprendre des actions de plantation ou de réhabilitation souvent très coûteuses. Au contraire, au sein de territoires très dégradés, il s’avère nécessaire d’investir dans des actions de réhabilitation exigeant de lourds investissements tant humains que financiers, afin de reconstituer les fonctions écologiques de ces territoires, comme par exemple la protection des sols et des cours d’eau, l’absorption de CO2, la régulation climatique.

Les forêts tropicales sont trop souvent perçues comme l’allégorie d’une nature « pure » et intouchée, en opposition à une nature « salie » et dégradée par les activités humaines. Or, restaurer ne consiste pas nécessairement à reconstituer des forêts originelles. Il s’agit surtout de restaurer les fonctionnalités écologiques d’un territoire ou d’une région (connectivité, stockage de carbone, préservation des sols et des cours d’eau).

Des alternatives aux pratiques agricoles

Il s’agit aussi de diminuer la pression actuelle sur les forêts naturelles restantes en créant de nouvelles sources de production de biens comme le bois à travers les plantations ou les agroforêts.

Enfin, l’agriculture étant la principale cause de déforestation, la restauration forestière passe aussi par la proposition d’alternatives aux pratiques agricoles courantes, consommatrices de nouvelles terres en général au détriment des forêts.

Il s’agit donc ici de lutter contre la déforestation en développant des pratiques agricoles d’intensification agroécologique, et en récupérant des terres agricoles abandonnées et dégradées à des fins agricoles. La restauration forestière consiste donc aussi à concilier, au sein d’un territoire donné, gestion durable des ressources forestières, préservation et conservation des forêts avec les autres usages des terres, notamment l’agriculture.

Stopper la déforestation et la dégradation forestière passe par la mise en œuvre de programmes ambitieux et participatifs de restauration visant à la fois la restauration des fonctions écologiques des paysages mais aussi l’amélioration significative des conditions de vie des populations locales. N’attendons pas que les dernières forêts tropicales disparaissent pour imaginer des programmes de restauration forestière participatifs, ambitieux et justes.

Membres de l'ATIBT