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Épisode 1 : La lutherie met à l’honneur les essences de bois tropicales

30.09.2022

Nous vous présenterons au cours des prochaines semaines une série d’articles sur les bois tropicaux utilisés en lutherie pour la fabrication de guitares. Avec toujours un même objectif : assurer la durabilité des essences utilisées et promouvoir la certification.
Ces textes ont été rédigés par Éric Penot, chercheur au CIRAD (UMR Innovation). E. Penot travaille sur les systèmes agroforestiers 1992. Il est aussi guitariste depuis 1970. Son intérêt pour les guitares et le son l'ont amené à s’intéresser aux bois de lutherie et à leur utilisation, ainsi qu’à la raréfaction de certains bois, aux nouveaux bois de plus en plus utilisés et aux nombreuses innovations sur la combinaison des bois.

Source : https://www.adrien-collet-luthier.com/

Ce premier épisode interroge l’influence du bois sur le son, et le choix de l’essence utilisée dans la fabrication d’une guitare.

Quelles essences pour la fabrication de guitares ?

L’utilisation d’un bois sans défaut et débité suivant les règles de l’art est primordiale pour la fabrication de ce type d’instruments de musique. Les bois d’intérêt pour la lutherie sont appelés "bois de résonance", et pour la facture de guitares, de nombreuses essences commerciales sont disponibles. Cependant, un nombre limité de ces essences est utilisé, certaines d’entre elles subissant une forte pression de l’exploitation forestière.

Les relations commerciales historiques avec des pays comme le Brésil ou l’Inde ont contribué à favoriser certaines essences de lutherie du fait de leur caractère précieux ou semi-précieux, du prestige qui leur est associé, ou plus fréquemment de leur disponibilité et de leur prix abordable pour les opérateurs de la filière. Cette prédominance de certaines essences a contribué à instituer certaines associations-types entre instrument et bois, comme la guitare flamenco et le cyprès ou la guitare folk et le palissandre. Cette popularité de certaines essences très utilisées au détriment d’autres moins connues peut constituer une contrainte pour certains luthiers qui adoptent une ligne de conduite respectueuse de l'environnement et souhaitent utiliser des bois éco-certifiés.

En lutherie, le nom commercial de certaines essences est parfois utilisé de façon inapproprié car associé de façon générique à une trop large gamme d’essences. Ainsi, l’appellation Acajou est utilisée comme il se doit pour désigner les espèces sud-américaines du genre Swietenia d’Amérique du sud (Swietenia humilis, S. krukovii, S. macrophylla, S. mahagoni) et les espèces africaines du genre Khaya (Khaya anthotheca, K. grandifoliola, K. ivorensis). Ces espèces appartiennent à la famille des Meliacées. En revanche, d’autres espèces de la même famille sont parfois appelées à tort Acajou ; c’est le cas du Sapelli (Entandrophragma cylindricum) ou du Sipo (Entandrophragma utile). L’appellation Acajou est parfois utilisée de façon tout aussi erronée pour désigner certaines espèces d’autres familles botaniques comme le Limba (!) dont l’appellation botanique est Terminalia superba (famille des Combrétacées) et qui est vendu aux Etats-Unis sous l’appellation Korina. Il faut rappeler que la référence en matière d’appellations pilotes des bois tropicaux est la Nomenclature générale des bois tropicaux (ATIBT 2016). L’utilisation inappropriée d’appellations pilotes par un fournisseur de bois peut amener un utilisateur à saisir la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes.

Guitare classique 6 cordes. Crédit : Benoit de Bretagne, luthier

Comment le bois influe-t-il sur la sonorité d’une guitare ?

Le phénomène est très simple. La corde vibre et transmet ses vibrations à la caisse via le chevalet, et au manche via le sillet et les mécaniques. La caisse de résonance transforme la vibration des cordes en ondes sonores. La signature sonore du bois est liée à sa densité, à l’orientation de son fil, à son mode de débit, à sa structure anatomique, et à ses caractéristiques chimiques (influence de certains métabolites secondaires). En outre, la sonorité des tables d’harmonie est également liée au type de barrage (en X chez Martin par exemple).

Le mode de débit du bois influe aussi sur sa stabilité ; on distingue ainsi :

  • Le débit sur dosse utilisé pour les manches par tous les grands constructeurs à l’exception de Gibson ; les cernes du bois apparaissent quasi parallèles à la largeur de la section d’une pièce lorsqu’on la regarde en bout.
  • Le débit sur quartier qui offre une meilleure stabilité au bois mais dont la mise en œuvre est plus complexe donc plus onéreuse ; les cernes du bois apparaissent perpendiculaires à la largeur de la section d’une pièce lorsqu’on la regarde en bout. Selon les règles de l’art, toutes les pièces de bois d’une guitare acoustique doivent être débitées sur quartier.

Il est possible de renforcer la stabilité d’une pièce de bois en réalisant des collages à fil croisé, c’est à dire en collant des pièces dont l’orientation du fil est différente. C’est la raison pour laquelle les corps de guitare sont pour la plupart en deux pièces : plus l’élancement d’une pièce est élevé, moins elle est stable.

Finalement, le choix d’une essence dépend principalement des goûts musicaux et des attentes sonores du musicien, ainsi que de l'ampli utilisé. D’autres facteurs (nombre de parties employées pour la construction, type de débit, corps plein ou creux ...) sont également à prendre en compte.

La densité des bois utilisés pour la fabrication de guitare est généralement comprise entre 0,5 et 0,7 avec quelques exceptions notables comme le Marupa (Simarouba amara, S. glauca, densité 0,4), essence plus rarement utilisée.

Source : Benoit de Bretagne, guitar maker, reviewed by E. Penot

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