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RDUE – La Commission publie la première liste d’évaluation comparative des pays

24.05.2025

La Commission européenne publie la première liste officielle classant les pays selon leur niveau de risque dans le cadre du RDUE. Ce classement vise à adapter les obligations de diligence raisonnée en fonction des risques de déforestation.
Mais des limites méthodologiques et l'absence de certains pays clés soulèvent déjà des questions.

Le 22 mai 2025, la Commission européenne a publié la première liste officielle classant les pays selon leur niveau de risque dans le cadre du Règlement (UE) 2023/1115 contre la déforestation. Ce classement évalue le risque qu’un pays ou une région représente pour la production de matières premières potentiellement liées à la déforestation et à la dégradation des forêts.

Ce classement constitue une avancée importante dans la mise en œuvre du RDUE, en permettant d’adapter les exigences de diligence raisonnée au niveau de risque identifié pour chaque pays. Toutefois, plusieurs limites doivent être prises en compte :

  • une méthodologie fondée principalement sur des critères bibliographiques liés à la déforestation et à la dégradation des forêts. Le critère de légalité, pourtant central au RDUE, y joue un rôle secondaire, réduit à un complément d’analyse. Or, l’exploitation forestière illégale représente 15 à 30 % du bois commercialisé dans le monde, pour une valeur estimée entre 51 et 152 milliards de dollars par an. Ce biais méthodologique limite la portée réelle de l’analyse de risque proposée par la Commission.
  • une confusion possible entre deux types de listes : la liste des pays soumis à des sanctions européennes (qui interdit toute importation, notamment de produits bois), et celle des pays classés à "risque élevé" de déforestation ou de dégradation. Pour rappel, il est strictement interdit d’importer des produits en provenance de pays sous sanctions, alors que les importations depuis des pays à haut risque restent autorisées sous réserve d'une évaluation et d'une atténuation des risques.
  • l’absence de certains pays majeurs : en Afrique de l’Ouest et Centrale, certains pays clés n’ont pas été évalués, tels que le Cameroun, le Gabon, la RDC, ou encore la Côte d’Ivoire. De même pour le Brésil, acteur stratégique sur les marchés du bois et du soja.

Enfin, une précision importante : même pour les pays classés à faible risque, les opérateurs doivent obligatoirement évaluer les risques de contournement ou de mélange avec des approvisionnements de provenance inconnue ou à risque (standard ou élevé). À ce titre, nous recommandons de privilégier les approvisionnements certifiés ou audités, y compris pour les pays en "faible risque", afin de renforcer la sécurité juridique et la traçabilité.

 

À quoi sert ce système d’évaluation comparative ?

Le système d’évaluation par pays permet d’adapter les obligations de diligence raisonnée pour les opérateurs amont, opérateurs aval non-PME et commerçants non-PME européens.

 

Pour les pays classés à faible risque :

Les opérateurs bénéficient d’une procédure allégée :

  • Ils doivent collecter les informations exigées par l’article 9 (identité des fournisseurs, coordonnées géographiques, documents de légalité, etc.). En effet, il est important de rappeler que même pour les pays à faible risque les opérateurs devront collecter les coordonnées GPS des parcelles et aussi les données sur la légalité.
  • Et évaluer les risques de contournement ou de mélange avec des produits à risque élevés ou standard (Art. 13.1),
  • Mais ils sont dispensés d’évaluer et d’atténuer les risques (Articles 10 et 11), sauf en cas d’informations nouvelles ou préoccupations indiquant un risque réel.

L’objectif : concentrer les efforts de vérification sur les zones les plus sensibles, tout en réduisant la charge administrative pour les chaînes d’approvisionnement responsables.

 

Que faire pour les pays à risque standard ou élevé ?

Pour tous les pays non évalués (risque standard) ou classés à risque élevé, la diligence raisonnée complète s’applique :

  1. Collecte d’informations (Art. 9),
  2. Évaluation du risque (Art. 10),
  3. Mesures d’atténuation obligatoires si un risque non négligeable est identifié (Art. 11).

 

Quelle méthodologie ?

La méthodologie de classement repose sur des critères quantitatifs, scientifiquement fondés, issus notamment du Global Forest Resources Assessment (FAO) ; et des critères qualitatifs : législation forestière, transparence des données, respect des droits des peuples autochtones, sanctions internationales, etc. Elle est définie à l'article 29 du RDUE.

 

Pays classés à risque faible (sélection par continent) :

Selon la liste publiée par la Commission européenne :

 

  • Europe

Albanie, Andorre, Arménie, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Moldavie, Monaco, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Ukraine, Royaume-Uni.

 

  • Amérique

Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Canada, Chili, Costa Rica, Cuba, Dominique, République dominicaine, Grenade, Jamaïque, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Suriname, Trinité-et-Tobago, États-Unis, Uruguay.

 

  • Afrique

Algérie, Burundi, Cap-Vert, République centrafricaine, Comores, Congo, Égypte, Eswatini, Gabon, Ghana, Kenya, Libye, Lesotho, Madagascar, Mali, Maurice, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Seychelles, Afrique du Sud, Soudan du Sud, Togo, Tunisie.

 

  • Asie

Afghanistan, Bahreïn, Bangladesh, Bhoutan, Brunei, Chine, Inde, Iran, Irak, Israël, Japon, Jordanie, Kazakhstan, Kirghizistan, Koweït, Laos, Liban, Maldives, Mongolie, Népal, Oman, Palestine, Philippines, Qatar, Arabie saoudite, Singapour, Corée du Sud, Sri Lanka, Syrie, Tadjikistan, Thaïlande, Timor-Leste, Turkménistan, Émirats arabes unis, Ouzbékistan, Viêt Nam, Yémen.

 

  • Océanie

Australie, Fidji, Kiribati, Îles Marshall, États fédérés de Micronésie, Nauru, Nouvelle-Zélande, Palaos, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Îles Salomon, Tonga, Tuvalu, Vanuatu.

 

Pays classés à risque élevé

  • Biélorussie
  • Corée du Nord
  • Myanmar
  • Fédération de Russie

Les produits bois issus de ces pays sont interdits d’importation dans l’UE, même en cas d'atténuation du risque. Cette interdiction découle non pas uniquement du RDUE mais d’un régime de sanctions européennes spécifiques.

 

Et les autres pays ?

Tous les pays non listés conservent le statut par défaut de "risque standard", impliquant une diligence complète. Cette classification est évolutive, fondée sur un dialogue structuré avec la Commission.

 

Fait marquant : le Brésil, grand exportateur de bois et de soja, n’a pas été évalué à ce stade, ou même la Côte d’Ivoire, premier producteur de cacao.

 

Et la certification dans tout cela ?

Pour certains pays classés à faible risque, nous recommandons fortement de privilégier les approvisionnements certifiés ou audités.

 

En effet, la certification :

  • facilite l’obtention des informations exigées à l’article 9 du RDUE, notamment en ce qui concerne la légalité de la production et de activités (y compris sociale et environnementale) ;
  • renforce la fiabilité des données et documents collectées, en s’appuyant sur des audits multidisciplinaires annuels et sur site, et des systèmes de traçabilité structurés et vérifiés ;
  • réduit les risques de contournement ou de mélange avec des matières premières issues de sources inconnues ou non conformes.

La certification constitue ainsi un levier de sécurisation essentiel, même dans les cas où la réglementation prévoit des obligations allégées.

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